Je constate en surfant sur le web que de plus plus de gens s'expriment via les blogs.
Certaines personnes arrivent même à faire naître des mouvements ou associations rien qu'en publiant leurs articles. Je pense notamment à cette jeune fille qui en avaient marre de cumuler stage sur stage non rémunéré, sans décrocher d'emploi, et qui par le simple biais d'un article dans son blog a réussi à organiser une manifestation sur Paris et a fait parler d'elle dans la presse. Chapeau !
De plus en plus de résultats de recherches sur Google, aboutissent à des liens qui mènent vers des blogs, hallucinant ! Je dois dire que certains sont déjà dans mes favoris car j'aime le style d'écriture de la personne trouvée au hasard.
Un petit article sur le phénomène publié dans Libération en septembre !
Bonne lecture !
Un second sur "l'Europe bloguée" :
L'Europe bloguée
Par Philippe JEANNE
Par Philippe JEANNE responsable de la filière change Natexis Banques populaires.
mardi 20 septembre 2005
La construction européenne est-elle sous le coup d'une malédiction, liée aux intérêts divergents des peuples qui la constituent, ou ses soubresauts ne sont-ils que les avatars naturels dans une évolution complexe vers une supranationalité ? Les élections françaises, et aujourd'hui allemandes, confirment régulièrement un morcellement interne de l'opinion, s'ajoutant à celui du «bloc» européen qui ressemble à tout sauf à un bloc...
En tout cas, il semble bien que les indicateurs permettant de mesurer la rapidité de la convergence vers l'objectif sont désormais largement dépassés par le «corps» dont ils sont supposés décrire l'état et chacun y va de son diagnostic, préconise son remède.
La création de l'euro, en 1999, était déjà en soi une gageure : le pari que, peu à peu, par ajustements successifs, les comportements différents de douze peuples géographiquement proches convergeraient vers une entité homogène. Des taux d'épargne très éloignés, des inflations, des taux de chômage, des fiscalités divergentes, autant d'indicateurs mesurant les sensibilités différentes de ces peuples face à des problèmes similaires. Par l'introduction d'un carcan financier unique, l'objectif était de hâter l'émergence d'un sentiment d'appartenance à une entité quasi nationale unique. Il était clair, déjà avant les votes sur la Constitution européenne, que ce pari était encore loin d'être gagné, et chacun peut mesurer quotidiennement l'absence d'une politique extérieure commune, les disparités persistantes des taux d'imposition, les divergences dans les moyens de combattre le chômage, les visions opposées de l'idéal économique, les arbitrages budgétaires incompatibles. L'Europe politique, économique et sociale ne se fait pas, malgré la pression exercée par l'uniformisation des taux d'intérêt et de change et de la politique monétaire.
La charrue n'avance pas avant les boeufs...
Mais il y a pire : la tentative d'éviter les écueils d'une réflexion sur un modèle européen commun en espérant forcer le destin par l'instauration d'un espace financier homogène s'est heurtée de plein fouet à l'air du temps, qui, lui, voit au contraire la diversité se jouer de l'uniformisation. La mode est aux blogs, aux forums, qui permettent à chacun d'exprimer son avis et de piocher ce qui lui plaît dans les étalages d'opinion qui lui sont offerts. Une vraie mode en effet, qui frappe tous les secteurs, de la politique à l'économie, du social à l'humanitaire, de la science aux arts, et assouvit une aspiration à plus de liberté en offrant des choix nouveaux. Mais aussi en laissant croire que tout est possible, que l'on peut prendre ici ou là un article ou deux dont on se sent proche, d'une idéologie ou d'une théorie économique, en laissant les autres qui nous correspondent moins. Chacun se forge une croyance, puise ses sources à droite ou à gauche sans se soucier de la cohérence d'ensemble, encore moins du dogme qui la sous-tend. Le global ne paie plus, et l'on voit l'adhésion politique s'effriter, quand le détail prend le pas sur le général. Plus l'opinion individuelle est tranchée, plus elle a de mal à s'identifier à un courant, à un parti. Ce morcellement de l'opinion rend les sondages plus incertains, les indicateurs statistiques moins valides, qui ne reflètent qu'une moyenne sans mesurer les écarts qui s'amplifient par rapport à elle.
Et l'inertie des mots, des dogmes, est beaucoup plus grande que le pragmatisme qui s'instaure ainsi dans les comportements. Ils ont la vie dure, mais ne correspondent plus que de très loin à la réalité. Le fait même de parler de «libéralisme anglo-saxon», par exemple, plutôt que de «pragmatisme», engendre une poussée d'urticaire qui s'explique plus par la traînée de poudre sulfureuse que véhicule encore l'expression, que par la réalité macroéconomique qu'elle représente aujourd'hui. Tout le monde en Europe aimerait imiter Tony Blair, sans pourtant parvenir à appliquer ses recettes sans leur emballage libéral qui effraie... Nouvelle époque, nouveau challenge : les blogs, les forums, les débats, dans un environnement où le politique a depuis des années semé le doute par touches successives sur sa crédibilité, ont pris le pas dans la campagne sur la Constitution européenne sur les discours officiels. A tel point qu'aujourd'hui, même les hommes politiques ayant appelé à voter non ne parviennent pas à tirer profit de leur choix tellement ils sont peu identifiés au résultat.
Les indicateurs économiques mesurent que la croissance en Grande-Bretagne est double de celle de la France, que le chômage y est deux fois plus faible, que 40 % des chômeurs en France cherchent un emploi depuis plus d'un an contre une moyenne des pays de l'OCDE à 32 %. Bref, que la France fait pire que presque tous les pays développés dans de nombreux domaines (sauf celui de la fiscalité, ou bien des résultats financiers des entreprises...) et, pourtant, chacun pense quasiment pouvoir trouver on line sur le Net les remèdes adéquats ! Dans un tel monde, prendre le risque d'avoir raison même en étant impopulaire est encore moins possible qu'avant, et le phénomène est donc encore amplifié par les hommes politiques qui, eux aussi, tentent de se mettre «dans le sens du vent», en surfant sur ce qui leur semble être l'idée du moment, plus que sur des sondages qui ne leur inspirent que méfiance après leur dernière série de défaillances. Après avoir fait croire que les 340 pages de la Constitution européenne constituaient un vivier d'idées dans lesquelles chacun pourrait plus tard trouver une partie de son compte, ceux qui ont participé à la détechnocratisation de l'idée européenne se trouvent désormais confrontés à un patchwork auquel ils s'évertuent, bien sûr en vain, à donner un sens.
Entre le dogmatisme ou le populisme qui résument l'avenir à une série de clichés qui tentent de mobiliser sans contenu, et le scénario actuel du «libre-service» des idées, il est urgent de trouver une nouvelle voie.
La seule qui peut redonner du sens au fouillis actuel est celle du pragmatisme, et avant tout de la simplicité. Au fond, la Constitution des Etats-Unis adoptée en 1787 et encore en cours aujourd'hui ne comporte que huit pages. Et la plupart des «recettes» économiques de M. Blair (qui, faut-il le rappeler, est à gauche de l'échiquier politique anglais) sont assez simples.
Et la simplicité a un mérite : on peut facilement se prononcer, savoir si on est d'accord ou pas d'accord. Le dogmatisme endoctrine, le pragmatisme convainc par ses résultats. M. Blair a prouvé que l'on pouvait être pragmatique de gauche.
L'Europe n'a pas dit non à la Constitution : elle a dit non à la génération spontanée de complexité technocratique, par une entité qui n'a rien compris à l'air du temps.